Henri Sié ne cherche pas midi à quatorze heures. Il ne truque pas.
Ne vise pas à l'épate pour la stupéfaction des gogos.
Il peint, si j'ose dire, à l'heure précise.
La franchise des couleurs accordée à l'exactitude de l'instant.
Je ne crois pas qu'il ait fait figurer beaucoup de soleils
dans ses toiles mais l'on sait très précisément, pour chacune
d'entre elles, où le soleil se situe. D'où il frappe.
Il y a chez lui une netteté irréfutable dans les attaques comme on le dit
en musique, de ses lumières et de ses ombres - ses ombres si bleues,
si violettes, si méditerranéennes.
De qui Henri Sié est-il redevable ? Dans quelle lignée s'inscrit-il ?
Je laisserai aux critiques d'art le soin de répondre.
Certains penseront sans doute à Marquet.
D'autres à ces peintres que l'on retrouve au musée de l'Annonciade
et qui, quelques décennies avant lui, ont été éblouis par Saint Tropez,
la courbe de ses collines et la mer entraperçue entre les troncs
des pins parasols.
On évoquera aussi Marko, le peintre yougoslave de Saint Tropez,
le héros de la Résistance, que Sié a tant fréquenté, tant aimé, tant
admiré, et qui lui semble, aujoud'hui, injustement négligé...
Pour ma part, je crois que Sié doit beaucoup, avant tout, à l'art du chant.
Ce n'est pas un paradoxe. Lui qui fut un superbe baryton a
retenu cette leçon si simple : il est impossible de mentir quand il
faut trouver la note juste.
Aucun faux-semblant ne suppléera à l'expressivité mélodieuse du timbre.
Peintre, il a appris de même à
ne pas mentir. Il trouve la couleur juste, encore une fois, ou
l'accord des couleurs. Il sait que rien ne surpasse la mélodie
chromatique d'une toile, comme la sensualité d'un paysage.
Comment dit-on bel canto pour un peintre ? Je l'ignore mais
les toiles d'Henri Sié nous suggèrent tout de même une réponse.
Elles chantent.
Frédéric Vitoux
De l'Académie française
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